Dimanche 27 janvier 2019

Salutatous,

En ce dimanche, je vous propose un petit conte de mon pays

Un soir, en revenant de la chasse, Capadurne dit à Mme Capadurne
« Tiens, femme : tu as là deux perdrix. Je viens d'inviter M. Cardusse pour demain midi. Sans t'en dire davantage, je sais que tu m'as compris... Perdrix bien rôties, et tout le reste à l'avenant : j'y compte à heure précise... Et, tu sais, Marianne ! pas d'histoires comme tu en fais parfois... Sinon je sais une baguette quelque part qui te remettra en mémoire qui est le maître et qui commande dans cette maison. »
Il faut que je vous dise encore, ici, que le brave sabotier, sobre pour tout le reste, était aussi gourmand de gibier, mais surtout de perdrix, qu'aucun renard. Qu'y faire ? Nous avons tous quelque espèce de travers.
Tout ce soir-là, Mme Capardune pensait
« Toujours sa baguette !.. Il ne parle que de frapper, cet insolent ... Quelque chose de joli, de mari à femme ... Encore si vous me disiez : il y aura une perdrix pour la cuisinière... Mais pense donc ! ils croiraient faire un miracle de m'en laisser la moitié d'une... et peut-être rien qu'une aile... une petite cuisse... un reste... un petit pois dans un chaudron tant vaudrait- il dire... C'est égal, Baptiste, tu ne devrais pas te moquer d'une brave femme comme moi... Ma foi, chacun se défend comme il peut et se raisonne comme il sait... Il me faut réfléchir à quelque chose pour pouvoir me récompenser sans faire pleuvoir sur mon dos. »
Le lendemain matin, Capadurne lui répéta : « Fais bien ce que tu as à faire, Marianne, et que les perdrix soient à point, dorées et savoureuses. Moi, pour bien m'aiguiser l'appétit et aussi pour satisfaire ma clientèle, je travaillerai jusqu'à midi et je ne crois pas, d'ailleurs, que M. Cardusse arrive plus tôt. »
À onze heures moins le quart, les volatiles à la broche tournaient, comme il se doit, devant le plus joli feu de copeaux de noyer qu'on puisse voir...
Tendres et grasses à fondre au soleil, travaillées par cette vertu de la flamme et de la braise, vingt minutes avant midi les deux perdrix étaient prêtes... Et un fumet qui embaumait, Le vertige attrapa la femme... la salive perlait à ses lèvres entrouvertes, la tentation devint terrible-terrible, je vous dis terrible, coquin de sort ! Elle ne put pas y résister. À quoi bon vous dire donc ce que devinrent les perdrix ?... Vous les voyez d'ici, en train d'être dégagées de la broche, puis englouties l'une après l'autre avec une pugnacité miraculeuse dans le tiroir profond de Mme Capadurne... Mais ce que ne vous n'imaginez pas, c'est la ruse que trouva cette grande gueuse de grande canaille de grande gourmande de sale femme pour se protéger les reins et les miches de la rossée de la baguette de chêne, de genévrier ou de houx... Dès qu'elle vit arriver M. Cardusse, la bougresse accourut vers lui à toute vitesse : « M. Cardusse ! M. Cardusse ! il vous faut repartir vite et bien vite... Capadume est devenu fou ! Il est là-bas en train de brandir l'herminette, il blasphème contre vous comme un démon d'enfer et crie que dès que vous arriverez il veut vous couper les deux oreilles au ras du crâne . Aïe, mon Dieu, Notre Seigneur !»
Et pendant que le médecin, travaillé, dérangé, taraudé par toutes les peurs de tous les diables, filait à toutes jambes, talons aux fesses, l'autre sainte-nitouche se précipitait à l'atelier de son mari : « Ah ! pauvre Nicodème de Pentecôte que tu es ! Invite-le de nouveau ton Escardusse de l'escardussaille qui t'a bien « escardussé » !... Pendant que j'allais tirer le vin, il t'a enveloppé les deux perdrix dans le journal, puis en un clin d'oeil les a mises dans la poche de sa redingote... et regarde ! regarde-le courir... Là-haut ! Là-haut ! tu le vois ? Tu ne le vois pas ?... Comment la trouves-tu, celle-là, Baptiste ? »...
Et Baptiste aux trousses de Cardusse ! ... Coquin de sort!... Et de lui crier comme un fou
« Au moins une, milliard de doubles ! Au moins une ! Rien qu'une ! Il m'en faut une !... Il m'en faut une !... »
Seulement, pensez donc ! M. Cardusse ne l'entendait pas de cette oreille... Il ne voulait lui en laisser aucune ! et la peur lui donnait des ailes...
Allez ! Allez ! j'ai toujours cru et je crois encore, et je le croirai tant que je vivrai, qu'il faut dire... tout ce qu'il faut dire. Si on ne peut pas dire tout ce qui s'est passé, que deviendra le rôle du conteur ?...
Et je vous dirai donc, mes chers amis que tout se dévoila sans beaucoup tarder entre les deux vieux amis M. Cardusse et Capadurne et que Mme Capadurne fut étrillée à son tour comme elle ne le méritait que trop. Chacun apprit aux environs que Jean-Baptiste Capadurne lui avait fait pleuvoir sur l'urne tellement de coups de bâton, tellement l'homme la tanna, toute sa vie en eut l'endroit aussi rouge qu'une tomate.

J'ajoute une légende de la kabbale. On raconte que Dieu présente à chaque enfant, avant sa naissance, la totalité de la connaissance, puis lui met un doigt sur les lèvres qui lui font oublier ce qu'il vient d'apprendre.
C'est de là dit la légende, que nous portons un creux sur la lèvre supérieure, marque du doigt de Dieu nous imposant le silence. Par la suite dans notre enfance, tout apprentissage vient seulement réactiver le souvenir oublié de ce temps qui précéda notre naissance.
Moi, je suis le conteur, à l'école, je n'ai rien appris, je savais déjà lire, écrire, compter.
Je savais aussi que j'avais la mémoire de mes vies antérieures. Je savais les légendes des Causses, je savais les sources, je savais les lieux où j'avais vécu.

Dieu avait-il oublié de mettre son doigt sur ma bouche ? Je crois qu'il voulait que je sois conteur.


Après ce conte dominical très féministe, pour faire plaisir à Michel, une photo bien flashy.

Jamais une femme conterait ce conte cette historiette maintenant....
Saperlipopette, en tout cas pas moi...
Voici une historiette qui reflète la société d' un terroir et à une certaine époque.
Très arriérés ces mecs!


"...comme elle ne le méritait que trop... brrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr!"

Coucou!

C'est un conte de l'abbé Bessou,  il racontait uniquement en patois rouergat. Ici, j'ai élagué énormément, à l'origine un conte devait durer tout le temps de la veillée.  Malgré le sexisme de l'histoire, j'aime les contes de l'abbé, et je regrette qu'il ne soit pas traduit et réédité. Au XIXe siècle l'abbé jouissait d'une énorme audience. Il était édité par la maison Carrère à Rodez que vous connaissez aujourd'hui sous le nom d'acte sud. Les recueils étaient vendus par des colporteurs, et imprimés sur un papier de fort mauvaise qualité, ce qui fait que, de nos jours, il n'en reste que très peu. J’ai la chance de posséder environ les 2/3 des ouvrages publiés.
Si ça vous amuse, je peux en transcrire d’autres ici  de temps en temps. À une époque, je voulais faire un site web dédié à l'abbé, projet jamais réalisé, j'ai eu aussi divers projets de diaporama, jamais aboutis non plus.

Vagabonde a écrit:Coucou!

Petit peut devenir grand, juste une question d' angle de vue....

J'avoue, je n'arrive pas à bien "lire" ta photo...

J'oubliais: ci-dessous l'original de la prise de vue dans les Dolomites.

Laisse tomber , cher Louy , je pense que jamais ton imaginaire ne rencontrera le mien....

Je suis petite fourmi et je regarde vers le ciel, de hautes murailles sont devant mon regard.... La lecture en est quand même simple....Ce morceau de bois n'a même pas 3 cm de hauteur....
La tête, le mental, l' intellect,  pas toujours nécessaire pour lire une image...
A croire que tu ne connais pas " Minuscule" un film de dessin animé..ou même le très beau film " Microcosmos"...

PS: je préfère ta photo travaillée même si je trouve que tu ré- appuie fort sur les curseur

j'ai le DVD, ainsi que le livre et j'ai visité Micropolis https://www.micropolis-aveyron.com/

Bon et bien , il ne reste que deux possibilités  
1) J' ai raté ma photo et cela se peut
2) Nous sommes incompatibles au niveau " imaginaire"

peu importe que cela soit l' un ou l' autre , je me fais avant tout plaisir.....Certains me lisent d' autres pas ....Ainsi va la vie!
Je ne fais jamais une photo réaliste de photographe , mais des photos qui s' adressent d' abord à l' imaginaire, car quand je suis attirée par un détail dans la nature c' est avec mon imaginaire que je vais le photographier, pas avec mon intellect..

Gedeoni 12 a écrit:

J'avoue, je n'arrive pas à bien "lire" ta photo...

+1

- Louy , j'ai lu le conte en totalité , mais je n'en ferai pas de commentaires , car je n'ai plus envie de déballer mes états d'âme !!!!!!!    
Tu pourras en reposter d'autres sans problème !    
Curieusement , ta photo très "flashy" me plait bien , même si le ciel t'a fait pousser les curseurs dans leurs derniers retranchements !  

- Fan , je connais aussi bien-sûr , "Minuscule" et "Microcosmos" , que j'adore .... mais ça ne surprendra personne je pense ?
Les vues rapprochées , et celles en macro de surcroît , sont souvent fascinantes .... mais il faut reconnaitre qu'on peut facilement s'y tromper sans l'explication qui va bien. J'avoue que ce petit morceau de bois est surprenant !

mich42 a écrit:- Louy , j'ai lu le conte en totalité , mais je n'en ferai pas de commentaires , car je n'ai plus envie de déballer mes états d'âme !!!!!!!  

Boudiou

Je trouve ce conte intéressant car issus de la culture sociale d'une époque. J'ai essayé d'en savoir plus long sur cet abbé et j'ai trouvé ce texte très intéressant sur le personnage  :

http://www.alexandrines.fr/saint-andre-de-najac-bessou/

Maintenant rien n'est critiquable dans les moeurs du fait que l'unanimité tend vers le "c'était mieux avant"  

Non non, moi je ne trouve pas du tout que c' était mieux avant!
On voit bien que vous êtes des mecs.....
Le conte m' a intéressée car c' est un cliché d' une époque et d' un lieu, mais ce n' est pas un conte , juste une histoire culturelle de mœurs. Je ne conterai jamais cela  car pour moi  conter c' est donner de la hauteur aux auditeurs vers les plus hauts sommets, pas vers l' ancienne horizontalité patriarcale.

Guy, je ne suis pas étonnée que tu rejoignes Louy sur la lecture de mon image , car vous semblez lire de la même façon les photos....
Il faut oublier ce que l' on sait et se retrouver devant la haute falaise, sans plus....

Michel, en fait j' avais mis  une phrase explicative  sous l' image , mais bon.......Cela ne suffisait pas pour orienter la lecture...
J' en ai encore plein comme celle ci, vous allez vous régaler

Je viens de mettre ma lecture imaginaire de la photo du jour dans mes créations....

Guy , surtout pas de tristesse/ mes propos , car toute interprétation me "dessert" !!!!!!
Fan , effectivement j'avais bien lu la petite phrase en dessous , mais ça n'était pas pour autant totalement évident !

mich42 a écrit:- Louy , j'ai lu le conte en totalité , mais je n'en ferai pas de commentaires , car je n'ai plus envie de déballer mes états d'âme !!!!!!!    

Dommage...

Oui, je le pense aussi!

Pas grave si tu es interprété autrement que tu le pensais , il suffit de le dire et on révise notre interprétation....
Cela ne te désert pas du tout, nous sommes ce que la vie et la société nous a fait devenir, et nous continuerons à changer...
Alors cela dessert qui, celui que tu étais hier ou celui d' aujourd' hui ou encore celui que tu seras demain...
PERSO, je ne suis jamais la même dans mes idées....J' avance et je cueille sans cesse de nouvelles fleurs d' idées sur mon chemin....

Alors si les autres veulent me statufier dans leurs jugements ce n' est pas mon problème mais le leur.... Moi, j' avance et les laisse avec ma statue de pierre dans leur tête....

L' histoire de cet abbé  m'a scandalisée au niveau du traitement des femmes , mais c' était hier.... ( quoi que ...vu le nombre de femmes battues et de leurs décès..)

L’été dernier, dans une fête champêtre, j’écoutais des jeunes femmes dans la trentaine qui parlaient de leurs grands-mères. Ce qui m'a stupéfié, c'est l'ignorance qu'elles avaient des conditions de vie des femmes dans les années 50 ! Alors vous pensez la condition féminine du XIXe siècle ! . Je pense que Dame Vaga ne devrait pas rejeter cette histoire, il est important de faire connaître des tranches de vie comme celle-là aux jeunes hommes et femmes, c'est la seule façon d'expliquer la vraie vie d'autrefois, qui était mille fois plus dure qu'on ne l'imagine à travers les téléfilms ou les romans. Prendre conscience de l'évolution en un siècle, du chemin parcouru, permets de comprendre les erreurs et les choses positives, encore faut-il, l'expliquer de façon concrète, réaliste, par l'exemple.

  mais j'ai rien dit !!!

C’est bien ce que je regrette !